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Le pull-over rouge

Un film de Michel Drach – 1979, 120 minutes, couleur, interprété par Serge Avédikian, Michelle Marquais, Claire Deluca, Roland Bertin, Roland Blanche, Pierre Maguelon, Gérard Chaillou, Maud Rayer…

bande annonce

Lors d’un weekend de pentecôte en 1974, la petite Marie Dolorès Rambla, est enlevé au pied de sa cité HLM à Marseille.
Peu de temps après, à La Pomme, un automobiliste commet un accident à un carrefour en grillant le stop et s’enfuit.
Un peu plus tard, non loin du lieu de l’accident, un jeune homme demande de l’assistance, car sa voiture s’est enlisée dans une champignonnière. C’est Christian Ranucci un niçois…

Ainsi commence entre Marseille et Nice, l’un des plus célèbre affaire criminelle des années 70 et relate l’enquête, le procès, la condamnation et le l’exécution d’un des derniers condamnés à mort.

Michel Drach filme avec fidélité le roman « le pull-over rouge » de Gilles Perrault qui prend le partit de la thèse de l’innocence de Christian Ranucci. Pour ce faire, le réalisateur fait jouer des acteurs peu connus, et notamment Serge Avédikian pour sa ressemblance avec le meurtrier.

Christian Ranucci (Wikipedia)
Serge Avédikian (UNIFRANCE)


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Ranucci coupable ou non ?

À l’origine il y a donc un livre, écrit par Gilles Perrault, qui défend la thèse de l’innocence de Ranucci. Par la suite, aux cours d’interviews, l’auteur accusera les policiers chargés de l’enquête de « forfaiture », de « conduite crapuleuse », de « légèreté et de partialité » et sera condamné à deux reprises pour diffamation…

Pendant toute cette affaire, avant même les faits, mais aussi pendant l’enquête, l’instruction et le procès, différentes autres affaires criminelles vont peser lourd sur le ressentit populaire et par conséquent sur la sentence… Le film parle notamment de :

L’affaire Cartland 1973 : elle se déroule peu avant l’affaire Ranucci. Le 18 mars 1973 est retrouvé mort John Cartland égorgé et le crâne défoncé à coups de hache. Un oreiller lesté de pierres a servi à l’assommer et l’on découvre un couteau ensanglanté et une hache, de marque anglaise, des armes qui appartiennent à la famille Cartland… Le fils, blessé est envoyé à l’hopital de Salon de Provence et la police le soupçonne à cause de sa relation avec une femme mariée non approuvé par le père qui a, en sus, déshérité le fils… Bien que la police française ait bouclé le dossier et considéré le fils coupable, il n’y aura aucun procès. Le fils étant revenu en Angleterre et Scotland yard jugent les preuves insuffisantes, le gouvernement britannique refuse l’extradition. Il s’ensuivra une guerre des polices entre la française et l’anglaise et le fils Jérémy Cartland, ne sera jamais jugé et décèdera en 2014. Un meurtre jamais élucidé…

L’affaire DEVEAUX débute le 7 juillet 1961 quand une fillette de Bron près de Lyon, est assassinée alors qu’elle était sous la surveillance de Jean-Marie Deveaux, un apprenti boucher de 19 ans, garçon un peu simplet, crédité comme mythomane. Avouant sous la pression être l’auteur du crime. Il se rétracte ensuite mais fini par être jugé le 7 février 1963 et DEVEAUX est condamné à 20 ans de prison. Clamant son innocence et devant sa faiblesse d’esprit, de nombreuses personnalités, dont Jean Rostand ou Frédéric Pottecher, et même le vice président de l’assemblée nationale, se constituent en commité pour la révision de son procès, ce qui sera obtenu de haute lutte malgré un important vide de forme, et conduira à son acquittement le 27 septembre 1969. la justice lui accorde alors une indemnité de 125 000 francs pour ses huit années de prison et cette affaire sera à l’origine en France de la loi du 17 juillet 1970 pour l’indemnisation des victimes d’erreur judiciaires.
Cette affaire, qui s’est déroulé bien avant l’affaire Ranucci, montre qu’une enquête bâclé avait conduit un innocent en prison…

L’affaire Patrick HENRY débute le 30 janvier 1976 lorsque Philippe Bertrand, âgé de sept ans est enlevé puis assassiné par Patrick Henry qui sera arrêté le 17 février de la même année. On est à 3 semaines du début du procès de Ranucciqui débutera le 9 mars 1976… L’opinion publique, réclame la peine de mort.
Le 18 février, Roger Gicquel présentateur du journal de 20 heures sur TF1 lancera, à propose de cette affaire : « La France a peur. Je crois qu’on peut le dire aussi nettement. […] Oui, la France a peur et nous avons peur, et c’est un sentiment qu’il faut déjà que nous combattions je crois. Parce qu’on voit bien qu’il débouche sur des envies folles de justice expéditive, de vengeance immédiate et directe. […] » Trois ministre du gouvernement : Michel Poniatowski (ministre de l’intérieur), Jean Lecanuet (garde des sceaux), et Robert Galley (ministre de l’équipement) réclament la mort de Patrick Henry…
À ce moment les français sont entre 74% et 83% pour la peine de mort selon les sondages…

L’affaire Vincent GALLARDO démarre le 21 juillet 1976, le jour même ou l’avocat de Ranucci s’entretient avec le président de la république au sujet d’une possible grâce. Le petit Vincent abordé par un homme en voiture est emmené et son corps retrouvé à Hyères le 23 juillet. Il a été jeté vivant dans la mer et est mort noyé…

Les mensonges, oublis ou incohérence du récit

Enfin il me faut vous dire que le film ment… Il ment directement par des scènes inventés ou indirectement par omission… C’est ainsi que le frère de la victime le petit Jean-Baptiste Rambla mentionne un homme en voiture, et le film montre une présentation de photos pour reconnaitre la voiture, scène qui a été inventée. De même lors du tapissage les époux Aubert, témoins de l’accident, n’hésitent pas à reconnaître Ranucci contrairement à la scène d’hésitation que montre le film, tiré du récit de certains journaliste qui ont brodés sur l’affaire. Christian Ranucci sort de son interrogatoire avec les policiers avec de nombreuses plaies au visage laissant entendre qu’il est victime d’un tabassage policier… Ce sont des égratignures qu’il s’est fait dans les buissons en tentant de cache sa victime. La tâche de sang sur la pantalon, Ranucci raconte qu’il s’est fait une plaie à la jambe…. Le médecin légiste ne la trouve pas…

Quand au tabassage de Ranucci, il faut savoir que le médecin légiste qui l’a vu plusieurs fois ne constate aucune autre plaies que les égratignures dues à la végétation épineuse( agéras) sous laquelle il a caché la victime. C’est d’autant plus improbable, que le couloir derrière lequel Ranucci était soumis aux question des policiers était rempli de journalistes, chose courante à l’époque. Ils aurait dû entendre… …

Quand au chien policier rien dans les PV ne mentionne qu’on lui a donné à renifler le fameux pull-over rouge… Concernant la porte conducteur du véhicule conduit par Ranucci, qu’il serait impossible d’ouvrir après l’accident, aucune trace d’aucune sorte dans les PV de constat et d’audition de ce supposé blocage… Enfin en ce qui concerne le « paquet » que les passagers de la voiture accidentée par Ranucci aurait vu, il s’agit d’une phrase rapportée par téléphone par un policier aux gendarmes avant que le rapt ne soit connus et sans qu’aucun PV signé des témoins ne le mentionne !
Pour couronner le tout, le film omet sciemment d’évoquer que plusieurs témoins qui ont affirmé aux enquêteurs avoir parfaitement reconnu Ranucci alors que ce dernier tentait de s’en prendre à leurs enfants et ces dépositions ont été faites avant le crime à Nice…

Parmi les omissions, il y a une pièce à conviction étonnante. Lors de ses aveux Ranucci est invité à décrire les lieux de l’enlèvement de la petite Marie-Dolorès. Il va en tracer le plan à la demande de l’inspecteur Bantos. Ce plan, fidèle aux lieux du rapt est tracé et signé de la main de Ranucci. Il a été « oublié dans le livre, comme dans le film…

Tracé des lieux du rapt par Ranucci

Et il y a les aveux… Par quatre fois Ranucci avoue son crime, devant les policiers, puis quelques instants après devant sa mère, puis devant les psychiatre et enfin quelques jours après devant la juge d’instruction.

Et enfin, il y a le couteau…

Ranucci dans les locaux de la police

Il n’en reste pas moins que ce film traite en définitive de la peine de mort. Si Ranucci n’avait pas été guillotiné, aurais t-on rouvert le dossier ? Je vous laisse méditer sur cette question…

À qui profite le crime ?

Ce titre racoleur ne concerne pas Ranucci, mais vise ceux qui ont décidé que le condamné à mort devait être innocent… Il y a tout d’abord les avocats. Une classe de personne pour laquelle toute publicité est interdite. Mais alors comment se faire connaître ? L’occasion d’un procès pédophile, suite à une arrestation rocambolesque, une enquête peut être un peu limitée et une instruction probablement trop rapide, permet d’émettre de vives critiques pour que les avocats fassent parler d’eux. Puis il faut trouver un romancier. Avant cette affaire, Gilles Perault était un auteur peu connu (L’orchestre Rouge sera son premier livre « populaire »). Sa publication le rendra célèbre au point que ce seul fait de gloire éclipsera toutes ses autres œuvres et qu’il y reviendra…
Fin 70, le seul moyen de se faire connaître en tant que ténor du barreau était la presse écrite et les quelques rares interviews des radio et télévision d’état. Pas d’Internet ni de réseaux sociaux…
Alors un livre, puis un film… Cela tient du miracle en matière de caisse de résonance !
Mais, comme il a été dit par certains, le jeu de ces avocats était particulièrement pervers, car tenter de démontrer l’indémontrable, c’est à dire l’innocence d’un condamné à mort, c’était aussi sacrifier le crime, c’est à dire faire l’impasse sur la mort d’un enfant

Néanmoins, si vous souhaitez militer en faveur de la la révision du procès Ranucci, vous pouvez adhérer à l’association qui s’en occupe : « association affaire Ranucci »

Une dernière chose. Le petit Jean-Baptiste Rambla, le petit frère de la victime avait six ans au moment des faits. Il deviendra hélas tristement célèbre. Devenu toxicomane, il tue son ex-employeuse en 2004. Il a alors 37 ans. Condamné, puis libéré sous condition en 2016 il récidive en 2017 en tuant une jeune femme de 21 ans…

Bibliographie

Gilles Perrault de son vrai nom Jacques Peyroles – notez le nom d’emprunt d’un fameux écrivain de comte pour enfants ! (la belle au bois dormant, Le petit Chaperon Rouge, Cendrillon, Le Petit Pousset…) :

  • « Le Pull-over rouge » (1978, Ramsay)
  • « Christian Ranucci : vingt ans après » (1995, Julliard)
  • « L’ombre de Christian Ranucci » (Fayard 2006)

Mathieu Fratacci (un des policier qui a traité l’affaire)

  • « Qui a tué Christian Ranucci ? » (Édition n°1 1994)

Geneviève Donadini (jurée dans l’affaire Ranucci)

  • « Le Procès Ranucci » éditions l’Harmattan

Gérard Bouladou (commandant de police judiciaire retraité) :

  • « L’Affaire du pull-over rouge, Ranucci coupable ! : Un pull-over rouge cousu… de fil blanc »
  • « Autopsie d’une imposture. L’affaire Ranucci : toute la vérité sur le pull-over rouge »

Jean-Louis Vincent (commissaire divisionnaire en retraite)

  • « Affaire Ranucci, du doute à la réalité »

BD

  • L’Affaire ranucci de Gérard Berthelot, Julien Moca, Vincent Koch – Edition De Borée 2011

Vidéo

Analyse et entretien au sujet du livre : « Affaire Ranucci : une culpabilité qui ne passe pas »