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Bonjour tristesse

Un film d’Otto Preminger – 1958, 94 minutes couleurs (quelques scènes de flashback en noir et blanc), interprété par Deborah Kerr, David Niven, Jean Seberg, Mylène Demongeot, Juliette Gréco…

À l’origine il y a le roman que Françoise Sagan publie alors qu’elle n’a que dix-huit ans, et n’est pas encore majeure ! (à cette époque la majorité est délivrée à 21 ans…). Une œuvre qui connait un succès foudroyant basé sur le scandale… François Mauriac, critique, publie à la une du Figaro un éditorial ou il qualifie l’œuvre de « dévergondage de l’adolescence féminine, plaie d’une époque où les plaies ne se comptent plus ». Mais il adouci son propos en présentant Sagan comme un « charmant petit monstre de dix-huit ans ».
Le propos ? Cécile (Jean Seberg), lycéenne parisienne rate son baccalauréat, et passe l’été de ses dix-sept ans dans une belle villa de la Côte d’Azur avec son père Raymond (David Niven) et la maîtresse de ce dernier, Elsa (Mylène Demongeot), femme légère, superficielle et vaniteuse. Cécile et son père ont une relation fusionnelle qui va vite devenir sombre et conflictuelle jusqu’au drame, lors de l’apparition d’un beau jeune homme et d’une amie de la défunte femme de Raymond, Anne (Deborrah Kerr)…
À part le New York Times, les Critiques seront unanimes à souligner la qualité du film, y compris François Truffaut pourtant peu enclin à soutenir les grosses productions tournées « à la papa »…. Le public suivra.
Otto Preminger signe là une excellente adaptation du roman de Françoise Sagan.

Extrait d’une interview d’Otto Preminger par François Chalais qui présente le film
« Bonjour tristesse » en cours de tournage sur la Côte d’Azur (INA).


Françoise Sagan nait en 1935 dans une famille de petite bourgeoisie. C’est le quatrième enfant après la mort de son frère Maurice en bas âge. Dès lors, les parents passent à Françoise tous ses caprices. Sa sœur dit à ce sujet : « Elle était une enfant pourrie-gâtée. Toute sa vie, elle a joui d’une totale impunité. ». Le journaliste Tristan écrit d’elle : « Adulte, gâtée par le succès, elle restera un Petit Poucet androgyne, qui sème des trous de cigarettes partout sur son passage. » (Lire février 2008)… Son crédo est adapté de sa vie : des récits romantiques mettant en scène une bourgeoisie riche et désabusée, défrayant aussi régulièrement la chronique mondaine et judiciaire. Elle sera l’égérie de la jeunesse d’alors…


Otto Preminger… est né en 1905 à Wiznitz (Autriche-Hongrie, actuellement Ukraine). Juif, sa famille déménage à Vienne en 1915 pour plus de sécurité. Il se passionne pour le théâtre et monte de nombreuses pièces. Il réalise un premier film en 1931 en Autriche. Remarqué par Hollywood il est invité en 1934 à venir travailler en Amérique. Après quelques films mineurs, il se brouille avec Hollywood et fait une carrière de metteur en scène de théâtre à Broadway jusqu’en 1940. Il revient au cinéma d’abord comme acteur en 1942, puis commence une brillante carrière de réalisateur avec d’important succès comme Laura (1944) pour lequel il remplace Mamoulian, puis Scandale à la cour (1945) pour lequel il remplace Ernst Lubitsch malade qui décèdera en 1947. Devenant indépendant en 1953 grâce aux Artistes Associés, il signe ses plus grands chefs d’œuvres : Rivière sans retour (1954), Carmen Jones (1954), L’Homme au bras d’or (1955), Sainte Jeanne (1957), Bonjour tristesse (1958), Porgy and Bess (1959), Autopsie d’un meurtre (1959), Exodus (1960)… Luttant discrètement contre le MacCarthysme il demandera à plusieurs reprises à Dalton Trumbo de faire les scénarios de ses films alors que celui-ci vient de passer une année en prison… Dalton Trumbo sortira de la liste noire des interdits d’Hollywood grâce à l’action de Preminger refusant que le nom du scénariste ne soit pas affiché dans le générique d’Exodus… Il décède en 1986.


Jean Seberg est une actrice franco-américaine découverte par Otto Preminger qu’il fit tourner en 1957 à 19 ans pour son film Saint Jeanne dans lequel elle incarne Jeanne d’Arc. Bonjour tristesse est donc son deuxième film et avec le même réalisateur. Pour les français elle est l’inoubliable Patricia qui vend le New York Herald Tribune dans les rues de Paris et s’amourache d’un truand incarné par Jean-Paul Belmondo dans le film de Jean-Luc Godard À bout de souffle. Marié à Romain Gary, elle fait figure de vedette en même temps qu’elle est une icône de la vie culturelle. Son engagement à défendre les noirs aux USA fait d’elle une cible du FBI qui la traque et tente d’empêcher ses activités politiques. Elle décède à 40 ans sans que l’on sache s’il s’agit d’un suicide…

Extrait du film À bout de souffle (Godard) dans lequel Jean Seberg vend le New York Herald Tribune

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Deborah Kerr est l’une des rares rousses au cinéma. Elle est britannique et nait en Écosse en 1921. Formée à la danse classique elle se tourne rapidement vers le théâtre puis débute au cinéma dans les années 1940. C’est Michael Powell, immense réalisateur anglais et pape de la couleur au cinéma qui la révèle d’abord dans Espionne à bord (1940) puis dans Colonnel Blimp (1943) avant sa consécration dans Le Narcisse noir (1947). Elle fait alors une brillante carrière à Hollywood (Les Mines du roi Salomon en 1950, Quo Vadis en 1951, Le Prisonnier de Zenda en 1952, Jules César en 1953 et Tant qu’il y aura des hommes la même année ou encore Le Roi et moi en 1956…). Nommée six fois pour l’Oscar de la meilleure actrice, elle ne l’obtiendra jamais. On lui donnera finalement un Oscar d’honneur en 1994, l’Académie l’ayant salué pour son jeu de femme « d’une grâce et d’une beauté impeccables dont la carrière a été marquée par la perfection, la maîtrise de soi et l’élégance ». Elle décède en 2007.
Véritable « Lady » du cinéma elle se distingue par sa rigueur, sa prestance et son énergie. Une des raisons qui la fit souvent voir dans des péplums (Les Mines du roi Salomon , Quo Vadis, Jules César, Tonnerre sur le temple…) ou dans des rôles de religieuse tenté par le diable (Le Narcisse noir, Dieu seul le sait…).
Mais sa scène la plus célèbre reste celle du baiser sur la plage dans le film de Fred Zinneman Tant qu’il y aura des hommes


De mère française, David Niven est considéré comme le personnage le plus british du cinéma et joue de cet aura dans la plupart de ses films. Né en 1910, il sera soldat pendant la guerre de 39-45 comme son père l’avait été en 14-18. Gamin difficile et chapardeur il sera renvoyé de plusieurs écoles. Contractant avec l’armée il s’en échappe vers l’Amérique, fait le commerce du Whisky puis du rodéo et tout un tas d’autres petits boulots, notamment à Cuba, aux Bermudes ou au Mexique pour survivre… Finalement il revient aux USA une fois son visa obtenu et se présente dans une agence de casting ou il est classé « Anglo-Saxon de type 2008 » et à ce titre apparaît dans quelques films. Remarqué par Samuel Goldwyn (MGM) il commence une carrière de second rôle qui s’achève avec Raffles, gentleman cambrioleur et fait de lui un acteur reconnu.
Lorsque la guerre éclate il retourne en Angleterre, s’engage pour se battre et tourne en parallèle dans des films de propagande pour soutenir l’effort de guerre. Il participe à l’opération Copperhead destinée à tromper l’ennemi en fabriquant un sosie du maréchal Montgomerry que l’on filme là ou l’ennemi ne s’attend pas à le voir. Il débarque alors en Normandie quelques jours après le 6 juin 44…

Sa carrière démarre alors après guerre notamment avec le film Une Question de vie ou de mort (1946) de Michael Powell et Emerich Pressburger. Mais sa carrière hollywoodienne prend un mauvais virage lorsqu’il se fâche avec Goldwyn… C’est Otto Preminger qui le fait sortir de l’ombre avec La Lune était bleue (1953). Dès lors les succès s’enchainent avec : Le Tour du monde en quatre-vingts jours (1956), Bonjour tristesse (1958), Les Canons de Navarone (1961), Les 55 Jours de Pékin (1963), Casino Royale (1967), La Panthère rose (1963…), Le Cerveau (1969)…
Il devait être le premier James Bond, choisi par l’auteur Ian Fleming, mais les producteurs ont préférés Sean Connery. Il prendra sa revanche et sera bien le vrai James Bond dans le film parodique Casino Royale version 1967 aux côtés d’autres faux James Bond interprétés par Peter Sellers, Ursulla Andress ou Woody Allen…
En 1980 il est atteint par la maladie de Charcot et meurt à 73 ans en 1983, après avoir révélé qu’il était le fils caché de Sir Thomas Comyn-Platt, un homme politique anglais conservateur.

Que dire de notre nunuche préférée, Mylène Demongeot ? Finalement, sous ses airs de boudeuse à la Brigitte Bardot dont elle est la copine et la concurrente, elle fera une belle carrière nationale et internationale, aussi bien pour des productions américaines, qu’italiennes… Né en 1923 (« rajeuni » de deux ans par sa mère) elle passe son enfance à Nice et apprend assidument le piano. Puis, revenue à Paris avec sa famille elle s’inscrit au cours Simon, puis à celui de Marie Ventura. Ses premiers petits rôles au cinéma commence en 1953 et elle est choisi par Raymond Rouleau pour Les Sorcières de Salem qui lui apporte le succès. Elle enchaine alors rapidement avec Bonjour Tristesse. Mais loin d’être la nunuche que l’on croit elle fera des prestations remarquablement dramatique notamment dans l’étrange Le Cavalier noir (1961) de Roy Ward Baker, puis des rôles espiègles et tendres notamment pour Michel Deville (À cause, à cause d’une femme et L’Appartement des filles en 1963).
Mais elle est plus connue pour ses rôles populaire notamment dans la trilogie des Fantomas de André Hunnebelle.

Mylène Demongeot et sa copine Brigitte Bardot, toutes deux protectrices des animaux.

Elle a résidé dans le Var, dans l’île de Porquerolles la villa « Les Myriades » entre 1981 et 2009, villa qu’elle revend 10 ans après la mort de son mari Marc Simenon.
Les années 2000 la voie de tourner vers des rôles plus murs comme dans 36 Quai des Orfèvres ou la série des Camping.


La villa de La fossette… Est celle qui sert de décors principal au film. C’était la propriété du couple « libre » Lazareff.
Pierre Lazareff fût en son temps l’un des plus grand journaliste. Sa femme Hélène Gordon Lazareff créa le magazine Elle.

Pierre Lazareff et sa femme Hélène Gordon Lazareff

Pierre crée son premier journal à 9 ans et malgré l’opposition de ses parents parvient à vendre un article au journal La Rampe qui le publie le 1er juin 1921. Son père l’inscrit au lycée Condorcet, mais il préfère devenir journaliste et se fait embaucher par le journal Le Peuple, fondé par la CGT. Attiré par les artistes il devient secrétaire de Mistinguett, puis attaché de direction au Moulin Rouge. Après différentes affectations journalistique, notamment pour la rubrique des spectacles ou la mode, et du fait de son talent et son entregent, il est nommé directeur de la rédaction de Paris-Soir en 1931. À la libération, il rebaptise le journal France Soir qui deviendra le quotidien français le plus lu de tous les temps. Ce quotidien ne paraissant pas le dimanche, il créé Le Journal du dimanche en 1949. Puis il remanie et rebaptise différentes publications (France Dimanche, Télé 7 jours).
Pionnier de la TV il fonde Cinq colonnes à la une, le premier magazine de reportage TV…

Radiotéléphone de voiture monté sur une DS années 50 60

Une anecdote… À une époque ou obtenir le téléphone était un exploit, Pierre Lazareff obtint une ligne de voiture (rarissime à l’époque ou seuls quelques militaires, le président de la république et quelques ministres en était dotés) et décida d’appeler son ami Marcel Bleustein-Blanchet publiciste. Étonné de cette possibilité, Marcel tenta d’en obtenir un et quelques mois plus tard, il appela son ami Pierre, qui s’impatientait car sa deuxième ligne de voiture sonnait !

La pointe de la Fosette ou est située la maison au Lavandou

La fossette était leur propriété de vacance au Lavandou. Installé sur une anse et dissimulée des regards par une petite forêt, elle descend jusqu’à la mer, à travers les rochers ou une piscine est creusé dans le roc.

Villa la Fossette

Elle se loue encore en tant que propriété de vacances

Le générique du film est de Saul Bass l’un des très grand graphiste des films d’Hollywood. Le motif final rappel l’élégance des traits des dessins de Jean Cocteau.

Saul Bass, adepte du constructivisme russe, a commencé sa carrière de conception de génériques de films avec Carmen Jones d’Otto Preminger et continuera a concevoir pour Preminger pour neuf autres génériques… En dehors de cela il a notamment fait les génériques des films suivants : Sept ans de réflexion de Billy Wilder, Sueurs froides, La Mort aux trousses et Psychose d’Alfred Hitchcock, Spartacus de Stanley Kubrick, West Side Story de Robert Wise, Un monde fou, fou, fou, fou de Stanley Kramer, Grand Prix de John Frankenheimer, Les Affranchis, Les Nerfs à vif, Le Temps de l’innocence et Casino de Martin Scorsese…
Voir le reportage « Les génériques de Saul Bass Et Elaine Bass » dans la série Blow Up d’Arte.

Noir et blanc et couleurs… Otto Preminger décide de filmer une partie de Bonjour Tristesse en couleur et l’autre en noir et blanc. Voici ce que dit un internaute anonyme à ce sujet : « L’idée de tourner le présent en noir et blanc et le flasback en couleur donne de la structure au scénario. Cela confirme le talent de Preminger à créer des univers homogènes à travers lesquels les contradictions des personnages nous amènent à réfléchir sur des aspects de la condition humaine. »